Hommage aux trois écoliers gonaïviens assassinés par les sbires de Baby doc

Le 28 novembre 1985, dans l’histoire de la ville des Gonaïves, est une date inoubliable. Elle rappelle la mort de trois écoliers tombés sous les balles des Forces armées d’Haïti (FAd’H). Sous l’égide de Devoir de Mémoire-Haïti (DDM-H), au Collège immaculée conception (CIC), de nombreux élèves et personnalités ont rendu hommage aux victimes. Trente-deux ans plus tard, cette tragédie provoque des sanglots et attriste plus d’un.


Le drame s’était produit au cours d’une manifestation des lycéens contre le président à vie Jean-Claude Duvalier. Les protestataires dénonçaient ses exactions et la barbarie de ses sbires. C’était une journée noire, sanglante. Trois écoliers ont été sommairement exécutés sous les ordres d’un chef des FAd’H : Jean-Robert Cius du CIC, Daniel Israël, élève du Collège Jean-Jacques Dessalines et Mackinson Michel du Collège des Gonaïves. Beaucoup d’années ont passé, mais, les plaies n'ont pas encore cicatrisé. Les témoins et les proches des martyrs sont encore en proie à L’affliction.

Maquès Michel, directeur de l’Alliance française des Gonaïves, a horreur de cette date fatidique. Il retrace cet événement avec beaucoup d’émoi. A l’arrivée des miliciens, dixit M. Michel, la manifestation était dispersée. Tout le monde tentait de sauver sa peau. « Mackinson Michel a été exécuté dans un corridor par un milicien qui le pourchassait. Nous avons retrouvé le cadavre de Daniel Israël à la Savane poudrière. Alors que Jean-Robert Cius qui n’était pas dans la manifestation a été tué par balle dans l’enceinte de son école », a raconté M. Michel.

Les différents témoignages sont poignants. Ils provoquent des émotions lugubres. Silence radio. Des élèves fondent en larmes. Des témoins hochent la tête et expriment leur ras- le-bol par des gestes. Pincement de cœur. Chair de poule. Personne n’est laissée indifférente. La douleur n’a pas d’âge. Des signes de croix pour remercier Dieu d’avoir protégé la cité d’une hécatombe.

Le directeur de la Radio Kiskeya, Marvel Dandin, jeune journaliste à l’époque, continue de dénoncer la cruauté du régime des Duvalier. Pour lui, c’était un régime de terreur qu’il fallait combattre. Plusieurs de ses collègues ont été battus, exécutés, jetés en prison. D’autres ont pris l’exil. L’assassinat des trois écoliers gonaïviens, a reconnu le confrère, a propulsé la lutte anti-Duvalier dans le pays. A l’instar des jeunes de cette période, il appelle les élèves à prendre leur destin en main afin que le pays ne sombre plus dans des situations aussi regrettables. Parallèlement, Marvel Dandin souhaite que la justice sévisse contre tous les présumés criminels. Il deplore que certains d’entre eux, actuellement, vaquent tranquillement à leurs activités au ministère de la Défense.

La présidente de Devoir de Mémoire, Mme Marie Marguerite B. Clérié, croit que cette commémoration a une grande importance. Elle plaide en faveur de la promotion de l’histoire et du travail de mémoire. Mme Clérié a indiqué que des activités de ce genre sont indispensables à la conscientisation des jeunes, à la construction de l’avenir. « Pour nous, la mémoire est une porte ouverte sur la vérité, la justice, la solidarité et l’État de droit », a-t-elle déclaré.

Permettre aux jeunes de bien cerner cette tranche d’histoire douloureuse tient les organisateurs de l’activité à cœur. A cet effet, une exposition de photos commentées est lancée au CIC depuis plusieurs jours. Elle prendra fin le 2 décembre prochain. Le directeur du CIC, le Rév. Père Duchelande Saintilmé invite la population gonaïvienne à visiter l’espace afin de s’enquérir des 30 ans de la dictature des Duvalier. « La démarche est d’aider les jeunes à ne pas oublier l’histoire de leur communauté. Ce rappel leur permettra de se positionner et de contribuer efficacement à la transformation de la société », a conclu le prêtre.


La cité a immortalisé ce drame. Au centre-ville, à l’angle des rues Lamartinière et Paul E. Magloire, la « Place des martyrs » a été érigée. Son symbolisme a été expliqué aux élèves. Ces jeunes espoirs se sont résolus à donner un sens à leur communauté et à s’impliquer, à leur manière, dans la lutte pour l’établissement de l’État de droit

JC/Le Nouvelliste 




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